Médias, sport et stratégie : le Maroc à l’heure de la CAN 2025

Médias, sport et stratégie : le Maroc à l’heure de la CAN 2025

Le Maroc s’apprête à accueillir une série d’événements sportifs majeurs, dont la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030. Mais derrière les projecteurs, une dynamique plus large se dessine : celle d’un pays qui veut faire du sport et des médias des leviers puissants de transformation économique et sociale.

Une passion née par hasard

Dounia Siraj n’a jamais vraiment prévu de devenir journaliste. Ingénieure en sécurité informatique, elle était d’abord une auditrice assidue de Radio Mars, qu’elle appelait régulièrement pour partager ses analyses. Sa passion du sport et sa voix convaincante lui ouvrent finalement les portes de la rédaction. “Je n’avais aucune formation en journalisme”, confie-t-elle. Pourtant, en décembre 2010, Radio Mars lui propose une première formation. Quinze ans plus tard, elle commente les matchs sur les ondes et est devenue une figure incontournable du journalisme sportif marocain. À ce jour, elle reste l’une des rares – sinon la seule – femme à commenter des matchs à la radio au Maroc.

Mais Dounia ne s’est pas arrêtée là. Elle est également CAF Media Officer, chargée de missions média pour la Confédération Africaine de Football. Une double casquette qui lui permet de vivre les événements de l’intérieur et de mesurer l’importance croissante des enjeux éditoriaux autour du sport.

Sport et économie : des leviers de transformation

Pour Hicham Bensaid Alaoui, ancien directeur général d’une compagnie d’assurance, devenu entrepreneur et expert en économie du sport, ces événements ne sont pas qu’une fête populaire. Ils sont le signe d’une stratégie d’envergure. “Regardez l’exemple de la Turquie avec la finale de la Champions League à Istanbul. Plus de 120 millions d’euros de recettes pour les commerçants. C’est énorme”, rappelle-t-il.

Lui voit dans les grands événements sportifs une opportunité de résonance économique à long terme. Il évoque l’Espagne post-Franco, la Turquie ou encore l’exemple marocain des années 80, où les Jeux méditerranéens et la CAN ont coïncidé avec la construction d’infrastructures durables. “Quand on investit dans des stades, des autoroutes, des gares ou des centres de formation, on ne fait pas que du sport. On prépare l’avenir”, martèle-t-il.

Média et formation : les chaînons manquants

Mais tout ne se résume pas à l’infrastructure. La formation reste le talon d’Achille. “On peut avoir le plus bel amphithéâtre du monde, s’il n’y a pas de cours, il ne sert à rien”, tranche Hicham. Il en va de même pour les médias. Car la professionnalisation des journalistes sportifs reste un défi. “On n’a pas de Wydad TV, ni de Raja TV. Peu de clubs ouvrent leurs portes aux médias, peu valorisent leur centre de formation. On est encore loin d’un storytelling fort”, regrette-t-il.

Reda Bennis, passé par Arryadia, beIN Sports et désormais créateur de contenus audio, abonde. “Le Qatar a tout changé en dix ans. Mais ce n’était pas que des stades. C’était une stratégie éditoriale, un vrai storytelling, une vision claire.” Il appelle les marques et les sponsors à rejoindre le mouvement. “Les contenus sont là, il faut qu’ils soient soutenus.”

Podcast, digital et image de marque

Aujourd’hui, les médias marocains, et notamment Radio Mars, se mobilisent pour accompagner les événements à venir. Dounia Siraj le répète : “On sera présents sur tous les grands rendez-vous. Mais pour cela, il faut des équipes, des moyens, des formations.” Elle insiste sur l’importance du message positif à envoyer : “Aucun sponsor ne veut être associé à une image négative. L’image du journaliste, la rigueur du traitement, la cohérence éditoriale, tout compte.”

Le digital prend une place centrale. “Aujourd’hui, les gens ne veulent plus juste écouter un commentaire. Ils veulent du contenu riche, engageant, accessible à tout moment. C’est là que le podcast joue un rôle stratégique.”

Vers une industrie médiatique du sport ?

Si l’optimisme est de mise, les intervenants restent lucides. Pour Hicham Bensaid Alaoui, un électrochoc est encore nécessaire : “On ne devient pas marathonien du jour au lendemain parce qu’on organise une course à Rabat. Il faut s’entraîner, se structurer, investir dans la formation.” Il appelle à une vraie politique médiatique autour du sport, à l’instar de ce qui se fait en Égypte, où les anciens footballeurs sont reconvertis en journalistes aguerris.

Le Maroc a désormais une carte à jouer. Pas seulement en organisant des compétitions, mais en créant une industrie du sport et des médias qui puisse rivaliser à l’international. Encore faut-il en saisir les codes.

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